Résumé
Le mouvement citoyen « Rebecq Autrement » exprime de vives inquiétudes concernant le projet d’extension de la carrière de porphyre de Quenast présenté par Heidelberg Materials. Lors d’une réunion d’information, les membres ont relevé plusieurs points problématiques :
- Incomplétude du Dossier : La Région Wallonne a jugé la demande de permis incomplet, et des clarifications sont nécessaires. « Rebecq Autrement » craint que les délais soient stratégiquement prolongés jusqu’après les élections communales.
- Manque de Scénarios Alternatifs : Le projet maximaliste ne prend pas en compte d’autres options d’exploitation. Le groupe demande une évaluation approfondie des scénarios pour un avis éclairé de la population.
- Impact Environnemental et Santé : Le projet inclut une nouvelle voirie, affectant le quartier du Puhain et dénaturant le paysage. Les risques liés à la silice cristalline et les émissions de poussières sont préoccupants. Des mesures de protection doivent être mieux définies.
- Conséquences à Long Terme : Le projet menace la durabilité environnementale et le développement des générations futures. La déforestation et la perturbation des écoulements d’eau sont particulièrement alarmantes.
- Chantage à l’Emploi : Heidelberg Materials avance la préservation des emplois pour justifier le projet. « Rebecq Autrement » demande des garanties et des sanctions en cas de non-respect des engagements.
- Dimension Politique : Le groupe appelle à une union citoyenne pour évaluer le projet de manière objective et non électoraliste, en prenant en compte les intérêts de tous les habitants de Rebecq.
« Rebecq Autrement » insiste sur la transparence, l’accessibilité complète du dossier pour tous et une évaluation rigoureuse des impacts environnementaux et sociaux du projet.
Le 25 juin dernier, la multinationale Heidelberg Materials, qui exploite la carrière de porphyre de Quenast, a invité la population rebequoise à une séance d’information pour lui présenter le projet d’extension de la fosse d’extraction et de la zone de stockage ainsi que celui de la voirie de contournement qui l’accompagne. L’exploitant a en effet introduit une demande de permis unique auprès de la Région Wallonne pour recevoir l’autorisation de réaliser ces travaux et d’exploiter le site sur le très très long terme. Rebecq Autrement y assistait pour prendre le pouls d’un projet d’industrialisation qui inquiète les riverains immédiats, mais aussi les habitants plus lointains : ce projet aura des incidences sur tout Rebecq et ses villages.
La réunion était organisée dans le même esprit de séduction de la population que la journée porte ouverte de l’entreprise le 2 juin. Une journée de propagande plus que probablement programmée pour qu’elle se passe le lendemain du dépôt de la demande de permis à la Commune.
Nous ne vous ferons pas ici le compte rendu détaillé de la présentation du fait que d’autres s’en sont déjà chargées et que la multinationale a mis à disposition du public les documents présentés ce soir-là. Ils se trouvent ici : https://www.heidelbergmaterials-benelux.com/fr/granulats/quenast-demande-de-permis
Nous ne commenterons pas plus l’interdiction qui nous a été faite de filmer la présentation et les questions-réponses qui ont suivi afin que l’information soit disponible au plus grand nombre. Attardons-nous plutôt sur les interrogations qu’un tel projet suscite inévitablement même si le dossier final n’est pas encore disponible pour le public.
Le dossier de demande de permis unique a été déclaré incomplet par la Région Wallonne. Nous avons interrogé la multinationale sur ce qui manquait au dossier sans recevoir de réponse claire. Il s’agirait d’un problème matériel de mise en page… Nous n’en saurons pas plus. Cependant, d’après le demandeur, il n’y a que quelques précisions mineures à apporter et qui ne devraient certainement pas prendre les 6 mois maximum dont il dispose pour réintroduire le dossier. Nous pensons cependant que l’approche des élections communales d’octobre pourrait stratégiquement prolonger ce délai. Que ce soit de la part de l’entreprise ou du pouvoir Communal qui devra organiser l’enquête publique.
A cet égard, Rebecq Autrement espère vivement et réclame fortement que les autorités communales actuellement en place fassent plus que ce que leur impose la loi et ainsi permette à tous les habitants de prendre connaissance de l’entièreté d’un dossier de plusieurs centaines de pages . La mise à disposition d’une version digitale de l’entièreté du projet est en tout cas le grand minimum. Et le mieux serait de prolonger le délai de l’enquête publique pour laisser le temps suffisant aux habitants de bien prendre connaissance des tenants et aboutissants du projet et de l’étude d’incidences. Rien ne l’interdit !
Le demandeur a confirmé que le projet qu’il sollicitait était la version maximaliste de l’extension de la zone d’extraction, c’est à dire extraire jusqu’au moindre petit caillou de porphyre du sol. Étonnamment, aucun autre scénario n’a été évalué dans les différents domaines d’incidences.
C’est que, pour reprendre les mots de la multinationale, qui peut le plus peut le moins. Formule classique, mais qui nous laisse penser que le dossier va prendre la voie d’un procédé connu pour les autorisations de projets industriels qui consiste à demander le maximum pour être certain d’obtenir quelque chose (on l’a déjà vécu à Rebecq pour le projet de 3 éoliennes industrielles de 180m devenues 2 machines de 150m, « vous voyez qu’on a tenu compte des riverains » qu’ils disaient). Sauf qu’ici non plus, il ne s’agit pas de marchander des tapis, mais de décider d’un projet qui impactera durablement notre santé et notre vie quotidienne, celle de nos enfants et futurs petits enfant. Un peu plus de nuances et une évaluation fouillée des différents scénarios sont indispensables pour que la population puisse émettre un avis éclairé lorsqu’on lui demandera son avis.

Ce projet maximaliste prévoit la création d’une voirie de contournement dont le tracé vient frôler les habitations du quartier du Puhain et dénaturer le paysage vallonné de cette partie de la commune. L’obstination d’étendre la carrière est peu en adéquation avec les défis d’aujourd’hui, le projet routier qui l’accompagne est, lui-aussi, d’une autre époque. Il dévie le Flageot, condamne la voie historique et apaisée de la chaussée de la Genette, supprime les chemins vicinaux et les sentiers pédestres, perturbe le relief en rehaussant le sol, construit des tunnels, surdimensionne la voie de circulation automobile (7m de large hors filets d’eau) et sous-dimensionne la place des mode de déplacements doux. Les piétons et les cyclistes doivent ainsi se partager un cheminement unilatéral de seulement 2,50 m de large alors qu’il s’agit d’une nouvelle route et qu’aucun bâtiment existant n’empêche une voirie douce plus large. Question : Pourquoi se limiter à l’obligation légale des 2,5m de voirie cyclopiétonne ? Un tracé en site propre pour la mobilité douce a-t-il été envisagé ?
D’un échange informel avec le demandeur, il semblerait que cette tuyauterie infernale de la voie de remplacement résulte surtout d’une demande de la Région Wallonne qui confirme ainsi que pour elle, le meilleur choix pour faire se rejoindre les nationales N6, N7 et l’autoroute A8 c’est de faire traverser tout ce trafic de transit au plus près de notre beau village. Une fois construite, cette route sera cédée à une « autorité publique » qui devra bien entendu l’entretenir (vous avez vu l’état de la route Industrielle en direction de l’autoroute ?). Si rien ne change dans l’échiquier politique local, la Commune acceptera-t-elle que la route lui soit « rétrocédée » comme ils disent ?
Rebecq Autrement sera particulièrement attentif à ces questions de mobilité qui restent nébuleuses et, sauf si c’est déjà le cas (la demande avait été faite lors de l’affaire de la route dite de Montagne), nous demandons qu’un scénario évaluant les incidences de l’absence d’une route de remplacement soit étudié par le bureau d’étude. Et nous nous permettons de rappeler que, par intégrité professionnelle, ce bureau agréé se doit d’être objectif et pas uniquement de contenter celui qui le finance.
Nous posons donc la question : pour qui cette route de remplacement est-elle nécessaire ? Certains postulats de départ doivent être questionnés. Par exemple, celui des 8000 véhicules dans le centre du village, les camions des carrières inclus ou non? Un autre : la multinationale envisage-t-elle une diminution du transport par route de sa production ? Voilà une hypothèse qui mérite d’être étudiée, non?
Au final, ce sera le Conseil Communal (majorité et oppositions) qui décidera s’il y a lieu d’ouvrir ou non une nouvelle voirie et qui acceptera ou non son tracé. C’est également lui qui devra décider de supprimer la drève Léon Jacques et a priori de déclasser les chemins vicinaux situés dans le périmètre de la nouvelle voirie. Il semble très compliqué de savoir qui est finalement le propriétaire de la Drève Léon Jacques. A ce sujet, la majorité communale actuelle aurait pu éclairer l’assistance si elle n’avait pas brillé par son absence à une réunion pourtant importante pour l’avenir de Rebecq à bien des points de vue.
Retenons que la Commune, et singulièrement la majorité qui gouverne(ra), reste donc à la manœuvre et peut peser sur le projet dans l’intérêt général de ses habitants.
Et l’intérêt général est notamment de se protéger des risques de santé environnementale et, en particulier, des dangers associés à la silice cristalline alvéolaire disséminée dans l’air par l’exploitation de la carrière.
En cette matière, Heidelberg group a tenté de minimiser le problème et n’a rassuré personne avec la couverture des bandes transporteuses, le capotage des installations de traitement des granulats ou encore les filtres en mousse et autres mesures de prévention des travailleurs qui ne peuvent évidemment pas être appliquées à la situation des riverains, proches ou lointains, exposés en permanence à cet agent reconnu cancérigène.
Rebecq Autrement s’inquiète par ailleurs de savoir si TOUTES les sources d’émission de poussières ont bien été prises en compte par l’étude d’incidence : talus de stockage, pistes de circulation, camions dans et à l’extérieur du site, etc ). Le renouvellement anticipé du permis d’exploitation de la zone de stockage ne va pas de soi et n’est pas sans enjeu, particulièrement pour une telle durée. Par ailleurs, nous avons été surpris d’apprendre que certaines des eaux d’exploitation étaient encore rejetées dans la Senne. Une autre forme de dispersion ignorée de la silice ?
L’intérêt général est également de protéger l’environnement aujourd’hui, et à plus long terme. Attendons l’étude d’incidences et vérifions que toutes les dimensions ont bien été prises en compte. L’objectif de neutralité carbone et la réduction de l’empreinte environnementale globale de l’entreprise, par exemple. Nous nous inquiétons d’un projet d’extension qui, entre autres, découvre le substrat sur 50 hectares, déboise l’entièreté du bois de Neppe et dévie les écoulements d’eau. Cela ne nous semble pas aller dans le sens d’une solution aux problèmes environnementaux (climat, biodiversité, eaux) qui, déjà, impactent nos vies au quotidien.
Par ailleurs, en voulant cadenasser une exploitation sur 125 ans pour satisfaire ses intérêts commerciaux purs, l’entreprise compromet la possibilité des générations futures de décider leur propre développement et de leur environnement. C’est un comportement égoïste que le pouvoir public doit cadrer pour garantir la solidarité indispensable entre générations.
![120035388[1]](https://www.rebecq-autrement.be/wp-content/uploads/2024/07/1200353881.jpg)
Heidelberg Materials justifie l’extension du site par la réponse qu’il veut apporter aux besoins de ses clients (sans eux, pas d’hôpitaux, ni de prisons d’ailleurs, mais c’est moins glamour) et par la pérennisation de l’activité et ses emplois (60 directs – 180 indirects). On devine évidemment que la mise en avant de cet aspect du projet par l’entreprise préfigure un chantage à l’emploi et que la menace de pertes d’emplois sera agitée pour forcer le passage et faire accepter le projet.
Il s’agira, dans ce cas, de fournir des garanties en matière d’emploi et des sanctions en cas de non-respect des engagements. Trop souvent les grands groupes ont profité des généreuses aides d’Etat ou d’autres subventions publiques sans que l’activité et l’emploi n’aient été in fine conservés (p.ex. ArcelorMitall, Cartepillar). Car la triste réalité est que lorsqu’une entreprise n’a plus rien à tirer d’un site qu’elle occupe, elle prend ses cliques et ses claques sans aucun ménagement.
Il faudra aussi mettre en balance les intérêts économiques avec tous les autres besoins de Rebecq en matière de qualité de vie et de santé environnementale que l’étude d’incidences aura normalement analysée.
Ainsi que garder à l’esprit que la multinationale a largement les moyens de maintenir tous les emplois sur ses différents sites, d’indemniser ses employés ou encore de garantir une reconversion de ses travailleurs.
Quelles sont les garanties en matière d’emploi (et les sanctions en cas de non-respect) apportées par la multinationale à ce projet ?
Enfin, s’il est évident que le projet s’inscrit dans un cadre technique et juridique (et il est regrettable qu’un plan de secteur dont la dernière modification date d’il y a 40 ans organise encore le territoire Wallon dans une vision productiviste d’après-guerre), il a aussi une dimension politique. L’autorité publique, qu’elle soit communale ou régionale, voire fédérale, peut très bien décider de dissuader ou de modérer le projet. Les élus peuvent bel et bien faire changer ce qui est présenté comme inéluctable.
C’est pourquoi, nous estimons que ce dossier est trop important pour qu’il soit abordé sous un angle uniquement politique ou pire, électoral. Nous en appelons donc à une réelle union citoyenne, non pas contre ce projet, mais pour le bien de tous : entreprise, riverains, Commune.